LA PREVENTION DES RISQUES PROFESSIONNELS DES SENIORS

Les principales capacités fonctionnelles et physiologiques déclinent, de manière générale mais de façon très variable selon les personnes, dès la cinquantaine d'années et cette altération s'accélère à partir de 60 ans. La tendance à l'augmentation de la durée de la vie professionnelle (réforme des retraites notamment) impose de reconsidérer les aménagements du poste, de l'organisation et de l'environnement de travail des seniors...

Les principales capacités fonctionnelles et physiologiques déclinent, de manière générale mais de façon très variable selon les personnes, dès la cinquantaine d'années et cette altération s'accélère à partir de 60 ans.
La tendance à l'augmentation de la durée de la vie professionnelle (réforme des retraites notamment) impose de reconsidérer les aménagements du poste, de l'organisation et de l'environnement de travail des seniors pour éviter l'augmentation des risques professionnels liés à cette catégorie de travailleurs : troubles musculo-squelettiques avec vieillissement progressif des structures ostéo-articulaires, psychiques avec des difficultés d'adaptation aux changements managériaux ou technologiques , sensoriels avec la baisse des acuités visuelles et auditives génératrice d'accidents du travail...
La démarche de prévention peut être individuelle (transformation du poste ou mutation dans un poste moins exposé ou reclassement professionnel), mais c'est surtout la mise en œuvre d'une politique d'adaptation collective et préventive des facteurs de santé au travail tout au long de la vie professionnelle du début de carrière jusqu'à la retraite qui se révèle la plus efficace.

Le contexte socioprofessionnel de l'emploi des seniors

Dans les dernières décennies du 20èm siècle, la population active française au-delà de 55 ans n'a cessé de diminuer, sous l'influence de facteurs économiques et sociaux que tous les partenaires soutenaient : les employeurs constataient que, face aux nouvelles technologies ou méthodes de management ou nécessités de productivité, les travailleurs âgés nuisaient à la compétitivité des entreprises, les syndicats et les gouvernements acceptaient les départs en préretraite ou diminuaient l'âge de la retraite, pour satisfaire les salariés ou en espérant diminuer le taux de chômage des jeunes appelés à remplacer les départs des seniors de la vie active.
Cette politique s'est révélée à la longue très préjudiciable au financement du système des retraites, d'autant plus que les contraintes démographiques (vieillissement de la population, entrée plus tardive dans la vie active...) pesaient fortement sur l'équilibre financier général.
Désormais, c'est l'augmentation du taux d'emploi des seniors qui est l'objectif à atteindre, et toute la législation nouvelle vise à prolonger la vie professionnelle : réforme du système des retraites entrainant des carrières plus longues pour atteindre le nombre d'annuités nécessaire, négociation d'accords sur l'emploi des seniors dans les entreprises de plus de 50 salariés avec objectifs chiffrés sur le maintien dans l'emploi des salariés de plus de 55 ans ou sur l'embauche de salariés de plus de 50 ans...
Préserver l'employabilité et la productivité des seniors devient primordial dans la mesure où une plus grande partie de la main-d'œuvre disponible sera composée de salariés de cette tranche d'âge et cet impératif va se trouver confronter à plusieurs enjeux d'adaptation des conditions de travail, car les seniors sont plus sensibles que les plus jeunes aux contraintes de changement générées par des tendances techniques ou managériales lourdes :

- L'accélération des rythmes de travail liée à des exigences accrues à la fois de productivité et de qualité,
- L'intensification de la charge mentale due aux nouvelles technologies informatiques,
- L'obsolescence rapide des connaissances, soit liée aux techniques, soit liée aux produits lancés sur le marché à une cadence rapide,
- La flexibilité imposée avec des exigences d'horaires ajustés en fonction de la demande et le travail en horaires décalés,
- La réactivité du personnel et une plus grande polyvalence, notamment relationnelle et commerciale, dans des emplois de services au contact du client qui croissent de façon importante dans la vie économique au détriment des emplois de production plus standardisés,
- Des restructurations continuelles brouillant sans cesse les repères, modifications qui touchent tous les niveaux des organisations, des changements fréquents de systèmes de gestion, d'outils et méthodes de production,
- La constitution d'équipes pluri-métiers (management par projet) qui éloignent les acteurs de leur communauté professionnelle traditionnelle,
- Une disponibilité accrue par le truchement du téléphone ou de l'ordinateur portable,
- ...

Ne pas gérer les conséquences de ces tendances sur le personnel âgé, crée des situations d'inadaptation progressive, de résistances au changement énormes, de manque de productivité et de créativité pour l'entreprise, mais aussi la hausse de la fréquence des risques physiques et psychosociaux pour les seniors.

Cela signifie aussi que, en matière de conditions de travail, les entreprises doivent prendre en compte le vieillissement dans une approche globale de gestion des ressources humaines, que ce soit dans la réflexion sur leur organisation, leurs processus, et la santé au travail.

Les principaux risques professionnels spécifiques aux seniors

Le vieillissement affecte à la fois les capacités physiques et psychologiques, dans une mesure très variable d'un individu à l'autre, mais de façon inéluctable.

  •  Les risques physiques du senior

    Les appareils cardiorespiratoire et locomoteur, les fonctions sensorielles et neurologiques sont altérés et les risques physiques et d'accidents du travail augmentent avec l'âge.
    - Les capacités pulmonaires diminuent,
    - La force physique baisse progressivement,
    - Le niveau de vigilance et les reflexes sont moins bons,
    - l'efficacité des mécanismes de thermorégulation se détériore,
    - L'ouïe et la vue sont moins performantes.

    Les sollicitations physiques sont donc plus pénibles (efforts répétés, ports de charges lourdes, postures contraignantes), et se révèlent particulièrement préjudiciables à la santé des seniors. Celles-ci sont à l'origine de troubles musculo-squelettiques, qui, s'ils concernent beaucoup de travailleurs, sont particulièrement fréquents chez les seniors exposés, qui sont plus vulnérables du fait d'une moindre souplesse de leurs articulations. Les affections dorsolombaires, les tendinopathies des membres supérieurs..., peuvent se révéler particulièrement invalidantes et récidivantes dans la population des salariés âgés.
    La sécurité au travail du senior, et celles de ses compagnons, est menacée par une baisse de rapidité dans l'exécution des taches et des réactions plus lentes aux situations inattendues, mais aussi par des troubles de l'attention et de la concentration favorisant la survenue d'accidents du travail, occasionnés par une perception visuelle dégradée (presbytie) et des déficits auditifs (presbyacousie).
    Néanmoins, la présence de seniors peut aussi contribuer à l'amélioration de la sécurité au travail par la mise en œuvre et la transmission des savoir-faire de prudence.

    Le mécanisme de tolérance aux écarts de température étant moins efficace, les travailleurs âgés sont plus sensibles aux risques thermiques (canicule sur les chantiers du BTP, etc..).

    Par ailleurs, l'occurrence des maladies professionnelles qui ne se manifestent qu'après une longue durée d'exposition ou un long délai de latence (surdité, cancers, ...) augmente évidemment chez les travailleurs âgés.

  •  Les risques psychologiques du senior

    Les facteurs générateurs de stress revêtent une importance accrue chez les seniors : les changements sont plus anxiogènes pour les travailleurs âgés dans la mesure ou ils sont synonymes de rupture, de remise en cause d'un long passé professionnel; ils contribuent à la perte des points de repère antérieurs ancrés depuis longtemps (spatiaux, temporels, comportementaux, relationnels) ; ils favorisent les interrogations sur soi, sa qualification, et ceci à un âge critique, particulièrement pour les femmes : peur de perdre son savoir-faire, son pouvoir, ses relations de travail habituelles, son lieu de travail quotidien etc.
    Les évolutions managériales et techniques entrainent une remise en question des expertises des seniors qui peuvent ainsi être mis dans des situations d'autonomie excessive, voire en situation d'incompétence générant une forte déstabilisation personnelle.
    Les effets du vieillissement portent aussi sur les fonctions cognitives, les capacités d'apprentissage sont réduites, à moins d'avoir été sollicitées régulièrement : d'ou de réelles difficultés à s'adapter aux nouvelles technologies ou procédures au travers de la formation, et le développement de sentiments de frustration et d'échec conduisant à une démotivation, le tout dans un cercle vicieux de désinsertion professionnelle.
    Il s'ensuit de nombreuses conséquences psychosomatiques gastro-intestinales (maux de ventre, ulcères d'estomac...) et cardiovasculaires (hypertension artérielle, palpitations cardiaques, cardiopathie coronarienne...) et des atteintes psychiques (crises d'angoisse et de dépression, troubles du comportement).

Les mesures préventives des risques professionnels spécifiques aux seniors

Deux types de mesures de prévention :
- l'une à court terme dans une optique d'aménagement du poste de travail ou de réorganisation lorsque des signes d'usure professionnelle ont été identifiés,
- l'autre, dans une perspective de construction des parcours professionnels et de promotion de la santé au travail tout au long des carrières, pour allier le vieillissement des travailleurs à une vie professionnelle plus longue.

  •  L'aménagement du poste et de l'organisation du travail

    Bien sur, les conditions de travail doivent être adaptées dès l'identification d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, mais la prévention des risques du travailleur âgé doit s'articuler préalablement à la survenue de l'accident ou de la maladie par le suivi individuel réalisé lors des visites médicales chez médecin du travail permettant d'apprécier la relation entre l'état de santé du salarié et son poste de travail.
    Ces examens médicaux réguliers des travailleurs, selon une périodicité allant de 6 mois à 2 ans selon la nature des risques professionnels auxquels le salarié est exposé, ont pour objectif le dépistage de toute altération de la santé en relation avec les conditions de travail. Des propositions d'amélioration des conditions de vie et de travail dans l'entreprise en découlent et concernent l'adaptation des postes, des techniques et des rythmes de travail à la physiologie du travailleur âgé.
    La restriction d'aptitude ou l'inaptitude fait ainsi l'objet d'une reconnaissance par le médecin du travail qui s'inscrit dans les obligations définies par le code du travail en matière de santé au travail.
    En effet, conformément à l'article L241-10-1 du Code du Travail, le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives à l'état de santé physique des travailleurs qui ne correspondent plus au travail exigé. Le chef d'entreprise est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. En cas de difficulté ou de désaccord, la décision est prise par l'inspecteur du travail après avis du Médecin-Inspecteur du travail.
    L'aménagement du poste de travail pour prévenir les situations de pénibilité passe par la diminution des contraintes de travail et l'adaptation du poste aux capacités du travailleur âgé : limiter les efforts physiques et le port de charge lourdes par des équipements mécaniques et des aides à la manutention, supprimer les postures pénibles par une conception ergonomique adaptée à l'âge, veiller à diminuer l'exposition aux bruits, à la chaleur et aux vibrations...
    Des mesures organisationnelles sont aussi à mettre en œuvre : éviter le travail de nuit et le travail posté, répartir les tâches au sein des équipes en privilégiant celles présentant le moins d'efforts physiques et favoriser les actions de tutorat. La transmission des savoirs par le tutorat est en effet un bon moyen de valoriser l'expérience des seniors et de moins les solliciter physiquement.

  •  La gestion des parcours professionnels

    Le processus d'altération de la santé au travail s'installe au gré des parcours professionnels et des expositions aux risques auxquelles sont confrontées les travailleurs, et la meilleure prévention consiste à agir, tout au long de la vie active, sur les situations de travail bien avant que ne se déclare une inaptitude liée à l'âge. Il convient en effet de se préoccuper de la réduction de la pénibilité au poste de travail et de la prévention de l'usure professionnelle le plus tôt possible - c'est-à-dire bien avant que le salarié n'ait atteint la cinquantaine. Pour qu'une personne puisse travailler au-delà de 60 ans, il est déterminant qu'elle atteigne cet âge en bonne santé physique et mentale.
    Cette gestion anticipée des parcours repose sur une politique de mobilité et de formation, permettant une valorisation des acquis de l'expérience, et des possibilités d'évolutions professionnelles vers un poste moins contraignant réclamant des compétences proches, voire un reclassement dans un autre métier ou une autre fonction.
    Pour ce faire, il est clair qu'il est nécessaire d'accroître les compétences et l'employabilité des travailleurs âgés grâce à des mesures efficaces d'apprentissage tout au long de la vie professionnelle.

Source : www.officiel-prevention.com