LES SENIORS & L'ENTREPRISE

Une Interview avec Didier Cotard, réalisée par La Rédaction Analyses Experts.

Didier Cotard est consultant-formateur, homme de résolution de problèmes, il accomplit ses missions, dans l’accompagnement des changements organisationnels et stratégiques de l’entreprise et des changements individuels et collectifs des hommes dans l’entreprise.
Didier Cotard  anime également les formations « Transmettre ses connaissances avant son départ à la retraite, valoriser son expérience », « Seniors, développer une posture de consultant » et « Manager, développeur de compétences ».

La Rédaction Analyses Experts : On parle de plus en plus de « politique » seniors en entreprise mais que mettons-nous derrière cette notion de « senior » ?

Didier Cotard : « Senior » signifie étymologiquement « plus âgé ».
En entreprise, l’appellation « senior » concerne généralement les plus de 50 ans, les personnes confirmées sur le plan professionnel. L’INSEE suit les évolutions du taux d’emploi des 55-64 ans.

C’est au moment d’une rupture que ce qualitatif est le plus souvent utilisé.

On peut différencier deux catégories de seniors en entreprise :
–     ceux qui ont 45-50 ans et qui seront amenés à vivre une « seconde carrière »,
–     ceux qui ont 55-57 ans et qui sont proches du départ à la retraite.

Il convient également de distinguer les différentes catégories socioprofessionnelles ainsi que les différents comportements motivationnels, qui ne sont pas toujours en rapport avec l’âge !

Prendre en compte la notion de « seniors » dans la politique RH de l’entreprise est indispensable et d’actualité mais  il en est de même pour les plus jeunes…
En entreprise, les « seniors » sont des personnes reconnues professionnellement et/ou proches de la retraite…. Les cheveux gris apparaissent, puis les blancs… !

La Rédaction Analyses Experts : Est-on senior ou nous dit-on qu’on l’est ? Comment faire pour  concilier l’image de soi et le renvoi, par notre entreprise, à une catégorie d’âge ?

Didier Cotard : Il y a notre âge réel, celui de l’état civil, et l’âge social, celui que les autres nous donnent. À plus de 70 ans, ma mère me disait « je n’ai pas l’impression d’avoir changé, c’est le regard des autres qui a changé ! ».
C’est l’âge ressenti qui va déterminer nos besoins, nos envies, nos choix. Selon une étude d’octobre 2011 de l’agence Kantar Média,  les 60-64 ans perçoivent 10 et 15 ans d’écart entre l’âge ressenti et l’âge réel et  91 % des 60-75 ans se rajeuniraient d’au moins 23 ans.

Sans être classés dans la catégorie des seniors, des candidats d’une trentaine d’année témoignent avoir été trop âgés pour un emploi…. À tout âge, on peut donc être trop vieux ou trop jeune pour un emploi !
En entreprise, le profil de la personne, ses compétences, sa motivation, doivent être maintenus en adéquation avec les besoins actuels et leurs évolutions.

Une personne se sentira dévalorisée si chaque jour son âge est évoqué… Cela se traduira par de la perte de confiance en soi, de la démotivation, des absences…

Pour son bien-être et le renvoi d’image des autres il sera toujours préférable d’assumer son âge et d’avoir naturellement « l’âge de ses artères », avec ou sans cheveux blancs, et des projets dans l’entreprise et dans sa vie privée. Chacun a besoin de signes, plus ou moins marqués, de reconnaissance. L’entreprise doit aussi en apporter au « senior ».

La Rédaction Analyses Experts : Quelles évolutions avez-vous pu remarquer sur le traitement de la question des seniors en Entreprise ?

Didier Cotard : En 2006, un plan national d’action concerté à été conclu pour l’emploi des seniors. Inscrit dans la durée, ce plan vise à « faire croître la proportion de seniors en emploi en luttant contre les facteurs qui les excluent de l’emploi, en favorisant leur employabilité et en sécurisant leurs parcours professionnels ».

En 31 actions, les trois premiers objectifs sont :
–     faire évoluer les représentations socioculturelles,
–     favoriser le maintien dans l’emploi des seniors,
–     favoriser le retour à l’emploi des seniors et aménager les fins de carrières.

Malgré ces mesures, le taux d’emploi des seniors évolue très faiblement et reste inférieur aux objectifs…

Chaque déploiement d’une GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences) en entreprise améliore la prise en compte de la personne avec  plus de repérage des compétences, des besoins d’adaptation et des souhaits d’évolution de chacun.

Il est encore parfois évoqué le cas de personnes « au placard » à qui l’entreprise ne demande plus rien en rapport avec leurs compétences et qui attendent que la retraite arrive. C’est catastrophique tant pour l’entreprise que pour la personne…

Les bienfaits de la formation tout au long de la vie permettent aux personnes une remise à niveau constante. Certaines professions y sont plus sensibles que d’autres comme dans le secteur informatique où la remise en cause des compétences est perpétuelle.

Le senior est une richesse dans l’entreprise où l’expérience est souvent plus importante que les savoirs…

La Rédaction Analyses Experts : Comment repenser son activité lorsqu’on est senior ?

Didier Cotard : Penser ou repenser son activité ne se limite pas à l’entrée dans la catégorie des seniors. Ce « classement senior », qui évoque un rangement dans un tiroir, est très négatif alors qu’il est nécessaire de maintenir ses compétences tout au long de sa vie professionnelle avec toutes les adaptations imposées par les aléas de la vie.

Le « senior » n’est pas seul. S’il est acteur de son projet, la scène est l’entreprise dont l’entrepreneur, comme metteur en scène, apporte le cadre, la vision, les orientations, la mobilisation…

Quelque soit sa mission dans l’entreprise, repérer et valoriser ses atouts, ses compétences clés, pour imaginer et proposer une autre organisation du temps de travail afin de valoriser son expérience et transmettre son savoir-faire est nécessaire.
Est-il possible de dégager du temps pour des missions d’études … ?
Est-il possible d’envisager l’accompagnement de plus jeunes, le tutorat, la formation interne … ?
Est-il possible d’être référent pour le suivi des missions de consultants externes … ?

L’entreprise dispose des leviers et il n’est jamais trop tard pour être force de proposition !

La Rédaction Analyses Experts : Comment, en tant que senior, préparer son départ en retraite ?

Didier Cotard : Ce temps de transition est l’occasion d’être force de proposition et reconnu comme professionnel par ses pairs. Permettre la transmission des savoirs, le partage de l’expérience, est un signe fort de reconnaissance essentiel pour la personne et l’entreprise qui capitalisera, maintiendra et enrichira ses savoir-faire.

C’est aussi une période, trop souvent banalisée, où il faudra se préparer à faire le « deuil » du monde du travail et passer d’une identité attribuée par son statut professionnel, à une identité en son nom propre.
Repérer ses freins et ses atouts, être en accord avec soi en se créant une nouvelle dynamique, explorer ses souhaits et ses rêves, créer le lien entre le professionnel et le personnel autour d’un projet pour s’exprimer en accord avec soi…

Quels engagements extraprofessionnels, passions personnelles, projets familiaux, me permettront de réduire les effets souvent violents de ce processus de changement de statut social et d’appropriation de celui de retraité ?

La Rédaction Analyses Experts : Comment valoriser son expérience dans et en dehors de l’entreprise ?

Didier Cotard : Pour valoriser son expérience, il faut d’abord la repérer et le faire savoir… puis, dans la mesure du possible, l’écrire pour la partager… Expérience dans une association, un club sportif, un engagement politique…

Avec beaucoup de perspicacité et de bon sens chacun saura trouver sa voie… Il n’y a pas de mauvais choix !

La formation EFE « Transmettre ses connaissances avant son départ à la retraite » apporte des clés pour aborder son départ avec un projet utile pour soi et l’entreprise. Ne pas oublier de penser à soi, à ce qui sera bon pour soi après le départ de l’entreprise !

Source : www.management.efe.fr